Ce mardi 23 mai, le compositeur Howard Shore était l’invité exceptionnel de la « leçon de musique », séance organisée par le Festival de Cannes en partenariat avec la SACEM. Cette discussion passionnante animée par Stéphane Lerouge retrace la filmographie prestigieuse du musicien admiré par les nombreux cinéastes avec qui il a travaillé, dont Martin Scorsese, qui a participé à la deuxième partie de cette conversation en invité surprise.
Howard Shore est d’abord revenu sur sa collaboration de longue date avec David Cronenberg, dont il est le compositeur de tous ses films à l’exception de Dead Zone (1983). En discutant de ses intentions artistiques autour d’extraits de Crimes du futur (2022) ou Crash (1996), le compositeur décrypte la manière dont il associe des styles et sonorités très différentes pour donner naissance à une musique qui permette au spectateur de s’immerger dans l’univers sombre des films de Cronenberg. Pour la bande originale de Crash, il explique qu’il n’avait d’abord eu recours qu’à deux harpes, mais ne trouvant pas le son suffisamment puissant il a décidé d’ajouter des guitares électriques ce qui donne lieu à une association intéressante entre une couleur métallique et une sonorité plus acoustique, qui renvoie plus clairement à l’atmosphère du film. Il ajoute qu’il n’hésite pas à utiliser des œuvres qu’il a composé antérieurement et qu’il incorpore dans la continuité musicale du film sur lequel il travaille.
Alors que se poursuivait la découverte de l’univers d’Howard Shore, un autre de ses grands collaborateurs prend place sur la scène : Martin Scorsese. Avec une complicité touchante, les deux hommes échangent sur leur travail d’équipe qui débute en 1985 avec After Hours. Howard Shore décrit leur processus de création comme très « organique » : il présentait d’abord des essais enregistrés avec un effectif réduit et peu d’orchestration à Martin Scorsese et sa monteuse Thelma Shoonmaker, puis en fonction de leur avis il décidait de passer ou non à l’enregistrement. Il ajoute même que parfois, ces « brouillons » ont été conservés au lieu de leurs versions enregistrées car leur énergie se trouvait finalement être plus intéressante que les autres. Au cours de cet échange, nous comprenons que le compositeur de Aviator (2004) et Hugo Cabret (2011) entretient un rapport au cinéma basé sur la volonté de retranscrire son ressenti par rapport à l’atmosphère d’un film plutôt que sur la recherche d’une représentation précise des événements de la narration en musique. Howard Shore affirme en effet qu’il aime rêver des films sur lesquels il travaille et préfère lire le scénario plutôt que de regarder les images du film, pour ensuite passer à un mode de travail plus actif, en concertation régulière avec les cinéastes.
Cette discussion passionnée ne fait que confirmer l’importance et le pouvoir de la musique au cinéma, celle-ci étant un outil essentiel à la cohérence et à la transmission de la tonalité d’un film. Ainsi, nous ne sommes pas étonnés d’entendre Cécile Rap-Veber, directrice de la SACEM aussi présente à cette « leçon de musique », répéter avec ferveur cette fameuse question : à quand un prix de la musique au Festival de Cannes ?
De gauche à droite: Stéphane Lerouge, Cécile Rap-Veber, Howard Shore, Martin Scorsese et Patrick Sigwalt
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